Après ce merveilleux séjour où on en a pris plein les yeux sous l'eau, on part dans un environnement très différent avec plusieurs jours dans un jungle camp au bord de la rivière Kinabatangan où l'on va pouvoir approcher la nature sauvage de l'île...

Après cette belle journée, mes oreilles sont un peu endolories, il faut dire que l’on a quand même enchainé quatre plongées à un rythme effréné la veille et je ne préfère ne pas insister le dernier jour et ne pas faire les dernières plongées prévues à Mabul. Une page de ce voyage se tourne, je rentre plus tôt sur le continent à Semporna avec l’objectif de prendre un bus pour Lahad Datu, ville étape pour la prochaine destination, le fleuve Kinabatangan. Alors que la première partie du séjour a été consacrée à l'exploration des splendeurs sous-marines de Bornéo, maintenant je vais découvrir la richesse de la faune de la forêt tropicale. En fait, j’avais essayé de contacter des agence pour partir explorer la forêt primaire de Danum Valley, mais il n'y avait plus de place disponible ces jours-ci (je vous conseille donc de réserver en avance) donc j’ai sauté cette étape et enchainé sur l'étape suivante, Kinabatangan. A partir de ce moment là, rien n’est encore réservé, c'est après avoir embarqué dans le bus pour Lahad Datu que je consulte le guide de voyage pour trouver un conaacct afin d’organiser ce séjour à Kinabatangan. Je ne cherche pas nécessairement quelque chose de haut de gamme, il est visiblement possible de dormir dans un des plus beaux lodges du monde à Kinabatangan, mais plutôt l’assurance d’être au plus près de la nature et d’avoir un guide qui peut nous permettre de s’approcher de la faune sauvage. Au vu des revues du guide lonely planet, Tanjung Camp semble particulièrement correspondre à ce critère et j’appelle directement Afiq, il me dit que son Jungle Camp est rustique mais qu'il est disponible les jours demain et après-demain, parfait je lui confirme que je réserve directement et que je le retrouve en fin de matinée à l’intersection de la route entre Sandakan et Lahad Datu. Toujours dans le minibus, il faut attendre qu’il soit plein pour partir, une bonne heure sur le parking enfin un dernier passager pointe le bout de son nez, enfin on peut démarrer. Je suis bien content d’avoir amené un sweat à capuche avec moi dans mon sac, c’est vraiment indispensable pour ne pas attraper la crève tant la climatisation est froide et puissante dans le bus. Je mets la capuche, je serre au maximum autour du cou et je me concentre pour lutter, alors que je vois les autres passagers en T-shirt  et qui ne semble pas avoir de souci pour supporter, comment ils font ? Je suis assis derrière un père qui emmène ses deux très jeunes enfants, ils se partagent un siège tous les deux et sont très sages et patients, ils n'ont pas beaucoup de place mais ne disent rien, bien sûr ils sont aussi très curieux de voir ma tête pâle et ils me regardent avec beaucoup d’attention.

On arrive en fin d'après-midi à Lahad Datu, qui se révèle être une petite bourgade de bord de mer sans charme mais moins repoussante que Semporna. C’est déjà ça. C'est même plutôt calme et en fin de journée je fais le tour de ce que l'on peut appeler un centre-ville, je fais quelques courses pour notre expédition. Je verrai de nombreux rats qui se promènent dans les rues, et les canaux sont remplis de déchets plastiques, on a vraiment l'impression qu'ici les gestes simples de respect de l'environnement ne sont pas encore acquis.

 

Parfois, le voyage à Bornéo fait monter en soi un sentiment de grande tristesse, mais aussi une prise de conscience qui semble nécessaire. La nature si riche de l'île semble si fragile et attaquée par l'Homme, qui semble ne pas avoir pensé aux conséquences. Combien de fois j’ai été attristé par ce que j’ai vu lors de ce voyage ! Déjà les habitants de Mabul jettent leurs déchets directement dans la mer, on voit des bouteilles flotter, et des emballages viennent s'accrocher aux coraux. Puis juste avant d'arriver à Semporna, plusieurs fois notre bateau a été pris dans un amas de débris qui nous ont obligé à couper le moteur et le soulever pour ne pas l'abimer. Ensuite la baie de Lahad Datu est remplie de détritus et l'odeur est insoutenable. Enfin sur cette rue entre Tawau, Semporna, Lahad Datu et Sandakan, ce sont des kilomètres carrés de forêts qui ont été abattues pour faire pousser des champs de palmiers pour récupérer l'huile de palme. Les animaux se retrouvent acculés dans de petites poches de forêt préservée, insuffisant pour garantir leur survie. Ce tableau est vraiment triste et je me demande si la nature pourra survivre le temps que les consciences s’éveillent, est ce que cette formidable biodiversité de Bornéo n’aura pas déjà été éteinte et disparue lorsque les habitants auront compris de la richesse que cela représente ? Voici une fresque peinte sur un mur de Kota Kinabalu qui illustre la triste situation à Bornéo, mais aussi dans beaucoup d’endroits dans le monde.

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Ce matin je réserve un grab plutôt que prendre un bus directement jusqu'au point de rendez-vous convenu avec Afiq la veille. C’est très pratique et pas beaucoup plus cher que le bus et surtout je peux gérer en direct la puissance de la climatisation (la raison première de ce choix du grab). En une heure on arrive un peu en avance à cette jonction entre la route de Sandakan et Kinabatangan, on attend Afiq sur le bord de la route cerné par les champs de palmiers.

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Nous montons dans sa petite voiture Proton et embarquons aussi notre guide pour ces trois jours au Tanjung Jungle Camp, Joey. Pour rejoindre le camp, la voiture ne sert à rien. En fait Afiq nous dépose au bord du fleuve qu’il faut d'abord traverser sur un canot, puis marcher dix minutes dans la fôret et enfin reprendre une autre barque sur l'Oxbow lake jusqu'au campement. Je découvre ce qu’est un Oxbow Lake, il s’agit d’un bras de fleuve qui est alimenté lors des crues et séparé de la rivière principale le reste du temps. Alors que nous sommes sur la barque, nous sommes accueillis par une pluie qui refroidi l'atmosphère, c'est agréable au début mais on arrive trempé. Juste le temps de se mettre à l'abri au camp que la pluie se transforme maintenant en tempête, il tombe des trombes d'eau sans interruption jusqu'à la fin de la journée. Il fait même un peu frisquet et je me réfugie dans la chambre pour faire une sieste. Comme les animaux on se repose en milieu de journée, de toute façon il n’y a rien d’autre à faire et surtout avec l'espoir qu'en fin de journée la pluie s'arrêtera pour qu'on puisse faire le programme prévu, soit un cruise sur l'oxbow lake à la recherche des animaux. Je m’endors bercé par le bruit assourdissant de la pluie tropicale qui s’abat sur le toit de tôle de la cabane. Lorsque je me réveille en fin d'après-midi, je n’entends plus que le bruit de quelques gouttes. Je jette un œil par la fenêtre, quelle chance la pluie a finalement arrêté, et pourtant j'avais peu d'espoir avec cette tempête.

On s'installe à nouveau dans la pièce commune du camp, qui se trouve être en fait un superbe poste d'observation, c’est simplement un plateau surmonté d’un toit de tôle et ouvert sur trois côtés face qui surplombe la rivière. Alors qu'on lit tranquillement, la brume se lève petit à petit, et c'est le spectacle de la nature sauvage commence. D'abord un hibou s'installe sur une branche d'un arbre juste derrière le camp, on a de la chance de la voir en journée. Puis des singes proboscis se mettent à s'agiter dans les arbres sur la rive opposée, ils sautent de branches en branches avec raffut. Alerté par ce bruit, un crocodile malicieux se laisse porter sans bouger par le courant pour s'approcher au plus près des singes, surement dans l'espoir qu'un des primates rate son saut et tombe dans le lac, ce qui malheureusement pour le prédateur n'arrivera pas. Ce n’est pas fini, sous notre poste d'observation, deux immenses lézards arrivent en nageant puis s'installent sur la petite plage de sable sous la structure. Incroyable, on n'a pas eu besoin d'aller bien loin pour être au cœur de l'activité des animaux, ce jungle camp est vraiment idéalement isolé. Et ce n'est que le début ! A un moment donné, je pars aux toilettes – j'ai un peu forcé sur le thé pour me réchauffer cet après midi – et alors que je suis en train de me soulager, je vois à travers les ouvertures des toilettes tout un groupe de singes proboscis juste en face, à quelques mètres. Je reste autour des toilettes pour les regarder, ils sont très peureux et dès que je fais un mouvement ils me repèrent avant moi et changent de branches, difficile de les suivre, et je n'ai pas les chaussures adaptées pour m'aventurer seul dans la forêt. Ils s'éloignent petit à petit mais resteront dans le secteur toute la soirée pour notre plus grand bonheur. On n'a pas encore bougé de notre camp pour aller en safari que l'on en a déjà pris pleins les yeux. Lorsque le soleil se couche, on embarque à nouveau sur la barque avec Joey pour faire le tour du lac oxbow. C'est quand même une manière très agréable de découvrir cet environnement, assis tranquillement dans le bateau avec Joey à l'affut du moindre mammifère, oiseau ou reptile. Lors ce sunset cruise, on verra de nombreuses espèces d'oiseaux dont les magnifiques hornbills, un des symboles de Bornéo avec leur bec très original qui ressemble à une corne de rhinocéros. On verra aussi des King fishers avec leur long bec qui se parent de très belles couleurs de bleu et d’orange. On trouve aussi différentes colonies de singes proboscis assis dans les arbres, difficile de les approcher car ils sont haut perchés. Enfin l'espèce que l'on verra le plus dans la région de Kinabatangan, le macaque qui traine sur la plage en bande.

On est super content de cette petite balade sur le lac, et la nuit tombe très vite on rentre manger au camp avant de repartir pour un safari nocturne. Avant de se mettre à table, Joey vient nous alerter qu’un civet s’approche, un genre de félin qui a l'habitude de venir voir autour du camp ce qu'il y a chipé aux voyageurs, avec sa démarche lente, il se laisse photographier.

 

De nuit, on ne marche pas très rassuré autour du camp accompagné de Joey à la recherche d'insectes, oiseaux et animaux. La nuit la forêt est toute sauf silencieuse, elle est envahie de bruits, inquiétant et envoutant, on est quand même heureux d'avoir les lampes de poche et Joey devant car sinon on ne sent pas vraiment à l'aise pour se débrouiller dans cet environnement. Joey arrive à trouver de nombreux insectes. Une jolie grenouille verte qui paraît-il est venimeuse, alors qu’elle semble si mignonne. Les oiseaux dorment profondément posé sur leur banche, ce qui fait que l'on peut s'approcher vraiment près d'eux sans qu'ils s'envolent. Après une marche tranquille d'une heure dans la forêt, on rentre au camp dormir tôt car demain on se lève aux aurores pour partir sur la rivière Kinabatangan au lever du soleil.

 

Ce matin, la brume est encore présente car il a plu pendant la nuit. On a de la chance car cette brume ajoute un côté mystérieux et encore plus impénétrable à la forêt, c'est un cadre vraiment incroyable. Après une petite collation, on prend le bateau sur le fleuve à la recherche des animaux. Malheureusement, on ne verra pas les éléphants, mais on aura l'occasion de voir des singes en nombre, un crocodile, des macaques, et des hornbills. La brume se dissipe et laisse passer le soleil, on profite de la promenade en barque.

 

On prend notre vrai petit déjeuner dans le poste d'observation puis on reste aux aguets de la faune. Deux varans arrivent à la nage et comme la veille pour inspecter sous la plateforme s’il n'y a rien qui est tombé et qu'ils pourraient manger. Un oiseau blanc chasse les poissons depuis la cabane flottante installée face au camp. On voit les branchages bouger au loin, les singes proboscis sont de retour mais ils sont loin, on n’arrive pas à les voir distinctement dans la végétation.

Avant de repartir pour le walk dans la forêt, Joey vient nous chercher en courant, il a repéré un orang-outan à proximité dans les arbres. On enfile les chaussures et on le suit. Une maman et son bébé orang-outan sont tranquillement installés dans un arbre. Pour s'approcher, il faut marcher dans les fougères, se frayer un chemin entre les branches. Le bébé est juste au-dessus de nous, sa mère tout en haut est probablement en train de confectionner leur nid pour la nuit selon Joey. Il nous apprend que les orang-outan bougent tous les jours, ils passent donc une partie de chaque journée à confectionner leur nid à usage unique. On reste ici à regarder les singes, ce qui donne une occasion idéale aux moustiques de se faire un bon festin de sang humain, je remarque que mes pieds sont à proximité d'une fourmilière, je me décale par précaution, on ne fait pas les fiers plantés là mais tant pis c'est quand même un beau spectacle de la nature que de pouvoir voir des orang-outan sauvages. Finalement, les deux singes ont du nous repérer et avoir peur et sont remontés en haut des arbres et on n'arrive plus à les voir; on part donc pour notre marche dans la jungle avec Joey. En milieu de journée, on ne voit pas beaucoup d'animaux, mais quand même de nombreux superbes papillons et insectes.

 

On s’adapté au rythme de la jungle, après avoir mangé le déjeuner chacun part dans sa chambre pour faire une petite sieste. On se retrouve au poste d'observation en fin d'après-midi pour un dernier cruise sur la rivière principale. Ce soir le spectacle sera grandiose. Parce que le ciel s’embrase de couleurs rougeoyantes après une courte pluie, et que l’activité de la faune atteint son climax. On voit des singes pourtant sur les rives du fleuve Kinabatangan, il y en a tellement. On distingue surtout deux espèces, les innombrables macaques mais aussi une autre espèce à la peau des fesses rouges. Tout en haut des arbres comme d'habitude sont installés les singes proboscis. On aperçoit aussi un crocodile mais il disparait à l'approche du moteur. Les hornbills s’activent dans les arbres.

 

Au moment de prendre la barque sur l'oxbow lake pour rentrer au camp, Joey propose plutôt d'enchainer sur un night cruise sur le lac, ce qui nous enchante tous. Ce sera une super idée car cette sortie sera un peu l'apothéose de notre séjour au jungle camp. On aura l'occasion de voir trois crocodiles adultes et deux bébés crocos mais aussi un python caché dans les feuillages sur le rivage, surement en train d'attendre qu'une proie s'approche. On remercie tous Joey d’avoir pu repérer le serpent dans la végétation dense, lui-même aussi était étonné car au début il n'avait que des yeux qui brillaient dans la nuit sans pouvoir être sûr de ce que c'était. On rentre diner au camp pour notre dernière soirée.