Depuis Mingshi, on rejoint la cascade de Detian, la plus grande cascade transfrontalière d’Asie en parcourant la mythique route G219, la version chinoise de la route 66 américaine qui fait rêver les voyageurs. On traverse des paysages incroyables avant d’arriver nez à nez avec le poste de frontière avec le Vietnam. Ici, la rivière et la cascade lovées dans une vallée de karst séparent les deux pays, le paysage est splendide mais aussi hautement symbolique.

Faire un road trip en Chine n’est pas quelque chose de commun pour un étranger, il faut avoir un permis de conduire local et pouvoir communiquer sans problème pour faire face à tous les imprévus du voyage. Il vaut mieux aussi avoir adopter les mœurs en matière de conduite et surtout faire preuve d’une grande patience parfois. Enfin, il faut toujours garder en mémoire que l’on n’est qu’un étranger, accepté ou seulement toléré, et qu’il faut accepter subir des désagréments quotidiens du fait de cette identité. C’est parfois un peu dur, mais je trouve que le résultat en vaut le coup. On peut découvrir des endroits magnifiques librement, là où peut de gens sont venus auparavant, et c’est le cas de cette fameuse route G219.

La route G219 part de la côte Sud Ouest de la Mer de Chine du Sud en bordure du Vietnam, à Fangchenggang et longe la frontière de la Chine jusqu’à la Russie, sur plus de 10 000 kilomètres. Elle suit le contour de la frontière, et traverse les plus beaux paysages du pays. Du littoral de Fangchenggang, aux paysages de Karst du Guangxi où nous nous trouvons actuellement, puis les zones tropicales du Yunnan, avant de monter sur le plateau tibétain, pour redescendre vers le désert du Xinjiang et les paysages alpins du Nord du Xinjiang avant d’arriver à la frontière russe. Assurément un plan de voyage qui ferait rêver tout voyageur, mais qui est bien sur off-limit pour les étrangers en solitaire de toute façon sur sa partie tibétaine. Aujourd’hui, nous allons en déguster une toute petite partie, sur la municipalité de Chongzuo, entre Mingshi et Detian. Et cette partie va nous mettre l’eau à la bouche. La route serpente au milieu des karsts vertigineux.

Une vallée qui semble complétement perdue.

Un relief incroyable

On traverse des vallées où de petits villages cultivent le riz ou la canne à sucre. On fait de nombreux arrêts sur le bord de la route.

La route est en cours de mise à niveau, on roule sur une route non finie, pas sûr que ce soit complétement autorisé, on passe au milieu d’un chantier où des ouvriers s’affairent à installer des barrières de sécurité, on passe d’une voie à l’autre, les camions roulent comme des fous et avancent sans réfléchir au risque de bloquer tout le monde, c’est aussi ça un road trip en Chine.

On traverse le tunnel au milieu des ouvriers qui finissent de carreler les murs.

On arrive dans un passage un peu étroit, et un éboulement bloque le passage. Toutes les voitures sont arrêtées alors qu’une pelleteuse est en train de déblayer le passage. On attendra patiemment une bonne heure que la route soit dégagée. C’est à ce moment-là qu’il faut faire preuve de patience, l’environnement que traverse la G219 est très exigeant et ce genre de désagréments sont inévitables.

Plus loin, un autre poste de douane. Je m’inquiète, est ce que j’aurai le droit au même contrôle détaillé comme à Mingshi. Finalement aujourd’hui j’ai plus de chance, des quatre postes de douanes que l’on traversera dans cette seule journée, aucun ne demandera plus de renseignements que cela. A mon avis, dans ce sens, ils cherchent plus à limiter le passage du Vietnam vers la Chine.

On s’approche de Detian, l’influence vietnamienne est bien plus perceptible. Les panneaux sont écrits dans les deux langues, les visages sont différents, l’accent des gens est bien plus fort, bien plus sudiste, leur manière de parler chinois est très mélodieuse je trouve. Pour entrer dans la zone touristique de Detian, il est nécessaire de garer la voiture et de prendre un bus, afin de limiter le trafic. Le bus longe la rivière qui fait office de frontière, d’un côté le Vietnam, avec ses maisons sur lesquels un drapeau rouge et une grande étoile jaune flotte et avec sa vie au bord de la rivière, et de l’autre la Chine dont l’accès à la rive est impossible avec cette haute barrière et barbelés qui la longe sur toute sa longueur. Une belle métaphore de la politique de défense chinoise, qui protège fortement ses frontières, mais aussi qui rappelle l’origine du caractère chinois 国 qui veut dire pays, un morceau de jade bien protégé par une frontière.

La zone de Detian est immense, il nous faut toute l’après-midi pour en faire le tour. La partie chinoise qui fait face à la partie Vietnamienne est très bien aménagée pour les touristes. Avec des plateformes, un chemin en bois, des voiturettes électriques, pendant la partie Viet est quant à elle bien plus simple, un parking, des restaurants sous une tente, des chevaux. Deux visions du tourisme qui s’opposent.

Les chutes de Detian sont en tout cas magnifiques, sur une longueur de 200 mètres dont la moitié est donc en Chine et l’autre au Vietnam. Il est bien entendu interdit de traverser sous risque de sérieux problèmes.

Les cascades de la partie vietnamienne sont plus hautes.

Sur la partie chinoise, il y a de nombreux palliers.

Un passage de frontière serait très mal vu par les gardes.

On parcourt le chemin aménagé qui amène à différents points de vue sur les cascades. De loin on peut voir l’ensemble de la cascade avec la partie vietnamienne et chinoise.

La vue est magnifique.

Plus on se rapproche, plus on peut apprécier la beauté de ces chutes d’eau qui se subdivise en nombreuses cascades fines.

Sur la partie chinoise, on peut longer la cascade et remonter à son bassin supérieur où l’on découvre un autre point de vue.

Au poste frontière, il est possible de manger un Pho vietnamien. Avec la crise du COVID, il est strictement interdit d’aller plus loin, il est interdit aussi de prendre cette zone en photo. Il n’y a rien qui retient le passage de la Chine au Vietnam ici. Le chemin aménagé continue de grimper pour avoir un point de vue total sur la vallée. La montée est raide sur ce pic de karst vertigineux. On enfile les escaliers pendant un moment mais la vue sur toute cette multitude de montagne karstique vaut vraiment le coup.

Pour redescendre, on prend un toboggan vertigineux de marbre qui nous ramène 500m plus bas, au pied de la cascade, en quelques secondes, c’est très sympa comme façon de reposer les genoux et on retombe sur une belle vue.

Une dernière activité à faire à Detian, on prend le bateau de bambou pour s’approcher au plus près des chutes. Le bateau fait une excursion de quelques mètres au Vietnam, théoriquement on sort de Chine, mais il est strictement défendu de mettre le pied à terre, ni de sauter du bateau. Ce serait une très mauvaise idée !

Sous la cascade on mesure bien mieux la taille de celle-ci, on est un peu trempé par les éclaboussures.

En fin de journée on est malheureusement obligé de quitter ce coin enchanteur de la Chine.

Pour rejoindre Nanning, on a quand même la chance de parcourir encore une partie de la scenic road du Guangxi, la route file au milieu d’un paysage irréel.

On passe encore un poste de douane mais heureusement là encore ils ne nous arrêteront plus. Le retour à Nanning est toutefois éprouvant avec de nombreux bouchons et travaux sur l’autoroute qui nous bloquent plus d’une heure à l’approche de l’agglomération. Ce sont encore une fois les aléas des voyages en Chine.

J’ai beaucoup voyagé en Chine, mais je trouve que c’est vraiment un régal de rouler dans cette partie du Guangxi. On sent que la région n’a pas encore développé son potentiel touristique, on a ici des vues bien équivalentes à ce que l’on peut trouver dans les alentours de Guilin et Yangshuo sauf qu’il n’y a pas plus que ça en terme d’infrastructures et d’activités dédiées. Pour les amateurs de road trip, je ne peux que conseiller ce bout de G219 !